C’est une clairière ou plutôt ce qu’il en reste. Jadis plate, elle est désormais parsemée de cratères, de trous boueux remplis d’eau de pluie et de débris. Je te vois partout, ton corps est démultiplié à mes yeux, ta douleur et la mienne se décuplent, je te vois, je te vois, partout, tout le temps, chaque cadavre porte ton visage, porte mes souvenirs, porte nos espoirs perdus. Mais tu n’es nulle part.\n\nJe suis peut-être un déserteur, mais toi, je ne t’abandonnerai pas, je ne te laisserai pas, jamais. Lorsque tu as disparu, j’ai moi aussi disparu, je suis parti te rechercher, et désormais je suis moi aussi recherché. J’errerai peut-être pour l’éternité, mais [[je te retrouverai, mon amour.|Vois ma vie]]
Je suis persuadé que tu es là, à l’abri, dans cette tourelle défensive abandonnée. Elle a résisté aux assauts, résisté aux balles, et je suis sûr que toi aussi tu as résisté. Je refuse de croire que tu aies pu mourir seul, sans moi à tes côtés, sans que je ne t’accompagne pour notre dernier voyage. Lorsque je t’ai perdu, j’ai perdu les esprits, j’ai perdu la prudence, j’ai perdu la peur. Je ne réfléchis pas et je cours, je crie, je t’appelle, je te veux.\n\nUne détonation. Tout vrille, tout tremble, tout se teinte. Pendant un instant, le monde s’arrête et vire au noir et blanc. Quand je comprends, quand je comprends que ce n’est pas toi, quand je comprends, il est trop tard. Je tourne les talons et je fuis, je ne me retourne pas, je m’enfuis jusqu’à m’évanouir dans la nuit, jusqu’à sombrer dans l’oubli.\n\nMon sang suinte, mon sang s’épanche. De mon épaule coule un ruisseau carmin, une rivière sanguine qui dégoutte au bout de chacun de mes doigts. Le rouge me fascine, la douleur me vitamine. Je ne flancherai pas. [[Je veux te revoir et je te reverrai.|Vois ma vie]]
Charly le lapin me dit de ne pas m’en faire et d’arrêter d’y penser, et de croquer la vie à pleines dents.\nRosie la vache me dit qu’il meuh faut y réfléchir calmeuhment, prendre mon temps et ne rien faire d’inconsidéré.\nClarence la poule me dit de garder la tête sur les épaules et d’envoyer [[ceux qui ne m’apprécient pas|Poupées]] aller se faire cuire un œuf.\nHippolyte le cheval et Porpensine la jument me disent qu’il me faut ruer, cabrer, me débattre pour m’en libérer et fuir, loin, très loin.\nAlly le croco me dit de garder mon sang-froid et me sourit de toutes ses dents.\nOllie la chouette me dit de dormir, que la nuit, mes pensées ne m’assailliront pas, que je serai sereine et que je pourrai me ressourcer.\nLucy la luciole me dit qu’elle est d’accord et qu’elle illuminera l’obscurité pour éloigner les mauvais rêves.\nSheepy le mouton me dit qu’il se blottira contre moi et m’entourera de sa douceur, de sa chaleur et l’éloignera, l’empêchera de me glacer.\nPoulpina la pieuvre me dit que s’il revient, elle saura me mettre hors de portée du haut de ses huit tentacules.\nOrage le chat me dit qu’il peut facilement cracher au lieu de ronronner et que ses griffes sont toujours acérées.\n\n[[Mais...|La mienne]]
-Quand je l'ai vu au début de notre entretien, j'ai cru qu'il s'agissait d'un portrait de famille. En fait, il s'agit d'un portrait des meilleurs amis de Jordan, fait par son amie Aurélia. On voit Charles, Stéphany, Aurélia et Jordan dedans.\n-Le portrait était un cadeau de Noel il y a trois ans. "C'était une surprise totale." Ils étaient tous les quatres ensemble quand il l'a ouvert\n-Jordan a d'abord rencontré Aurélia grace à des amis en commun. Il était hébérgé chez elle pendant un passage à Paris, puis ils sont devenus amis lors de son déménagement ici pour ses études.\n-Stéphany et Charles étaient au même lycée qu'Aurélia; Jordan est devenu leur pote au fur et à mesure. Stéphany est en prépa littéraire; elle voudrait s'inscrire à l'école de Louvre. Charles est en école de stat.\n-Le style d'Aurélia est particulier. "C'est un mélange de tout." Un peu animé, un peu réaliste. Souvent fait avec des petits traits et des aquarelles. Elle est étudiante aux beaux arts. Maintenant elle fait des tableaux un peu abstraits.\n-Le portrait est exposé dans un meuble télé à deux étages.\n-Ce portrait est un de seuls souvenirs qu'il a car il ne prend plus trop de photo (parce que la photo empêche qu'on profite vraiment du moment).\n-Les 4 sont très proches parce qu'ils ont "tous les mêmes délires." Ils partagent des blagues en commun et ils peuvent passer des soirées ensemble sans forcément se parler. Il s'agit presque d'une deuxième famille\n-Parmi ses amis, Jordan est le seul à ne pas avoir fait de prépa; il est allé direct à la fac à l'age d 17 ans parce qu'il voulait faire de la traduction littéraire. Il s'est inscrit à Paris 8 après 2 semaines à Paris 3. En parlant de ses expériences dans le système académique français, il a dit "si tu veux réussir en France, il faut subir la jalousie des autres. Quand tu es fort, les gens veulent te rabaisser"\n-Il a quitté Pau à 17 ans pour Paris. C'était un peu dur au début car il avait longetemps vécu seul avec sa mère. Il fallait s'habituer. Au début de ses études, il était seul et il ne faisait rien. Son choix de déménager paraissait bizarre aux yeux des autres parce beaucoup de gens ne pensait pas que quelqu'un qui a 17 ans pourrait être suffisament responsable pour vivre seul."Quand je suis venu à Paris, il n'y avait qu'Aurélia." Puis, une dynamique de groupe s'est créée entre lui et les autres lors d'une soirée de nouvel an.\n-Sur sa famille: pendant les vacances, il doit toujours faire un choix parce que sa mère habite dans le sud-ouest de la France et le reste de sa famille habite en Alsace. Il a une bonne relation avec sa mère.\n-Sur ses études: la traduction lui a permis de s'épanouir. Il est en train de traduire l'autobiographie d'une femme trans américaine, Jennifer Finney Boylan, pour son mémoire parce qu'il s'intéresse aux questions de genre.
//Charlotte// est tout, //Charlotte// n'est rien.\n\nSachez que dans son antre, vous risquez d'être désorienté, perdu dans les esprits des Charlottes, des non-Charlottes et harassé par tant de "Je". La répétition est ici un phénomène souhaitable et souhaité. Soyez également libres de vous sentir libres et de ne vous plier à aucune règle. J'espère que vous apprécierez votre temps en sa compagnie.\n\n[[Trois Jours|Premier]] \n\n[[Infanticide]]\n\n[[Sentinelle]]\n\n[[Animadversion]]\n\n[[Peluches et Poupées]]\n\n[[Flûte]]\n\n<html><strike>Je</strike></html>\n\n[[Vois|Vie ou vie ?]]\n\n[[Un chasseur sachant chasser|Quand ?]]
*A gauche et à droite, le flou à perte de vue et devant, l’immensité de la vie, comme un unique chemin. Il se divisera peut-être, bifurquant et changeant au gré des choix, mais il paraitra toujours infini, mystérieux, inconnu, vague, comme une simple ligne à travers le temps.\n\n *Des hauts et des bas, comme dans une mer déchaînée. Au creux de la vague, il semble toujours impossible de remonter la pente, et une fois sur la crête, en proie au vertige, il est aisé de retomber dans les profondeurs. Mais c’est bien cela le va-et-vient de la vie. Le chemin n’ondule pas de gauche à droite, mais de haut en bas, oscillant entre efforts, extases et rechutes.\n\n *Et puis un jour, tout se crible, tout se pétrifie, tout se mitraille. On cristallise, on griffe les murs, les bras, les visages, on ne veut pas, mais on ne peut pas faire autrement. On s’étiole, on s’immobilise, on fait la guerre contre soi-même, contre l’intérieur, le putride, le nauséabond. [[On veut se purifier|Animadversion]].\n\n *Et quand on y arrive, c’est la fin. Lorsqu’il est enfin venu le temps de l’apothéose, rien ne bouge derrière les murs bâtis, les uns après les autres, pour se protéger des coups, un jour, tous les jours, toujours, rien ne bouge, rien ne bouge. Et tout explose. Comme une balle en plein cœur, on explose, on implose, et c’est la fin.\n\n *Après la fin, ce n’est pas fini. Au début, on survit, dans la mémoire, dans l’esprit, on survit. On se matérialise, sous forme de monument, d’urne, de sépulture, de crypte, de tas de terre « à la mémoire de [[Charlotte|Je]] ». Des leurres. Très vite, ces catalyseurs, ces amas de pierre, d’acier, ou de marbre ne survivent plus. Ceux qui se souvenaient laissent place à des alignements de tombes, et ceux qui se souviennent ne se souviennent pas de ceux dont leurs souvenirs se souvenaient. Après la fin, après la fin de notre fin, on finit oublié, envahi, laissé pour compte. La matière reste mais le symbole disparaît. Et on demeure alors là, de chaque côté du chemin de la vie, comme de nombreux fantômes dans le flou obscur des bois.
C’est un chemin de forêt plongé dans la brume et tu gis en plein milieu, dans la boue, dans les feuilles. Je les vois qui festoient sur ton corps, les serres plongées dans tes entrailles, le bec luisant de ton sang, les ailes déployées dans l’obscurité, les yeux brillant de vice, se délectant de ta vie. Plus je m’approche et plus tu t’éloignes. J’ai beau courir, j’ai beau crier, les corbeaux qui te blessent, les corbeaux qui te dévorent, eux, ne bougent pas, ne fuient pas, ne disparaissent pas. Puis soudain, tu t’évanouis, tu t’effaces. Et mon corps heurte le sol.\n\nJe me réveille dans un fossé humide et froid. Des coups de feu résonnent dans le lointain et soudain je me souviens. C’est la guerre et [[tu es mort.|Vois ma vie]]
Je suis perdu. Des arbres à perte de vue bougent autour de moi. Je cours. Je fuis. Je prie. [[Je ne suis pas seul.|Homme]] J’entends les branches et leur feuillage bruire dans le vent et les feuilles mortes bruisser à chaque enjambée. Je ne réfléchis pas, je ne réfléchis plus, l’instinct a pris le dessus.
Mais au fond de moi, une autre voix, puissante, couvre toutes les autres et se lie à la litanie des poupées de porcelaine : [[Charlotte|Je]], l’une de mes voix me dit que tout est de ma faute et que si je veux que cela s’arrête, je n’ai qu’à me punir et [[disparaître.|Animadversion]]
Pas la flûte du collège => offert Noël 96 à la place de Barbie Princesse Papillon (+ grande frustration de l’enfance, n’avait pas commandé de flûte au Père Noël mais la Barbie, du coup, HORREUR, mais le lendemain son père est allé lui acheter devant son grand désarroi en prétextant que le Père Noël l’avait « juste » oubliée.\n\nA joué jusqu’à ses onze ans en école de musique puis, suite à un déménagement, en conservatoire jusqu’à ses seize ans (2006). Au début, flûte par dépit au lieu de violon, grosse frustration puis ça l’a bien branché. => Prof génial à l’école de musique ; aimait plus la prof que la flûte.\n\nAu conservatoire, elle a été considérée comme nulle, du coup mise en débutant. La dernière année, le directeur a créé un opéra (nul ahah) obligatoire pour les inscrits (2H d’étude de cet opéra en plus des autres heures) et en mars, à la fin de ces cours, PAF, on leur dit que le concert est annulé, du coup, elle a séché encore plus, encore moins motivée, sauf pour les cours de flûte (prof new age chelou), elle a pas eu son examen (et y a d’ailleurs été uniquement pour sécher les cours) et du coup a arrêté. \n\nElle a joué les Pavanes, du Fauré peut-être, plus du Lully (Pavane pour le roi, pour danser), et c’est ce qu’elle a préféré. Maintenant elle joue les rhèmes de films, les BO, mais plus de partoches comme avant \n\nÇa l’a tout de même bien aidé en musique où elle passait les contrôles dès le début et quand les autres travaillaient la flûte, elle faisait ses devoirs ou lisait.\n\nFlûte abîmée : imitation bois ôtée autour des trous à force de jouer.\n\n1er concert, rien de spécial, banal, \n\nMAIS, deuxième concert => principe de haïkus sous forme musicale (le prof les avait écrits lui-même mais c’était TOUT POURRI), père fan de classique, du coup il est venu et s’est décomposé en entendant ce qui était joué, + le grand final en mode impro fouillis cacophonie pas possible : air épouvanté du père, MAIS, à la fin il a applaudi à fond en se levant, et pourquoi ? Parce qu’il était CONTENT QUE CELA SOIT FINI (n’est plus jamais venu sauf pour écouter la Petite musique de nuit de Mozart à la flûte) et laissait le soin à la mère de venir (qui trouvait ça génial, le new age).\n
Boris est mon pilier, ma condition sine qua non, mon nécessaire, mon indispensable, mon mari.
[[Vois la Vie]] ou [[vois ma vie|Vois ma vie]] ?
Quand le coffre s’est ouvert, j’ai vu le ciel et j’ai cru que c’était fini, que c’était la fin. Une partie de moi exultait, je suis libre, enfin, après tout ce temps, je suis libre, c’est fini, tout va bien, je suis libre, tandis qu’une autre se désespérait, [[je suis morte|Chasseur]], il va me tuer, m’abattre comme une bête, c’est fini, là, dans les bois et laisser mon corps pourrir dans la terre molle et froide, je suis morte.
[[Mon père m'a tuée.|Victime]]\n\n[[Alors j'ai tué mon père.|Coupable]]\n\n
Je suis perdue. Des arbres à perte de vue bougent autour de moi. Je cours. Je fuis. Je prie. [[Je ne suis pas seule.|Défi]] J’entends les branches et leur feuillage bruire dans le vent et les feuilles mortes bruisser à chaque enjambée. Je ne réfléchis pas, je ne réfléchis plus, l’instinct a pris le dessus.
Tout du moins, j’essaie. Le tissu de ma chemise ne fait plus qu’un avec ma peau, et à chacune de mes enjambées, la douleur se fait plus forte, mon arme se fait plus lourde, mon esprit se fait plus lent. Entre les arbres, j’erre et je vacille. Dans le brouillard moite, des ombres dansent et me hantent. Je te vois, je vois le sourire de notre première rencontre, la passion de nos premiers jours, la haine autour de nous, l’amour au fond de nous. Plus rien n’avait d’importance, seuls tes yeux, seul ton bonheur, seul toi m’importait. Nous avions tout quitté, tout laissé, et nous pensions pouvoir vivre ensemble, juste tous les deux, sans que personne ne vienne obscurcir notre paradis. Mais nous nous trompions. Très vite, la guerre est venue étendre son ombre macabre sur nos corps enlacés, et bientôt, nous étions enrôlés.\n\nC’était bien après les premières pluies d’obus sur les toits de tôles, bien après les premières conquêtes de villes endormies, bien après les premières limitations sur les produits quotidiens.\n\nJe te vois flotter dans les airs devant moi, mais tu n’es pas là. Le son de ta voix fait écho dans les bois, je te vois, je t’entends, je te sens, partout, tout le temps. Parfois tu es une souche, parfois un buisson, parfois le cadavre putride d’un soldat que je ne connais pas, [[mais que je pleure comme si c’était toi|Vois ma vie]]. Aux larmes chaudes se mêle la sueur glacée. Je ne suis plus qu’un tas de sel luisant, brillant, vibrant, enfiévré, assoiffé, gelé, tremblant, errant, chancelant, blessé, vidé, éreinté, perdu, déchu, fourbu, étourdi, fini, évanoui.\n
Tu n’as jamais été mon père. Tu ne m’as jamais aimé. Tu n’as jamais aimé personne d’autres que tes sculptures, tes statues de pierre, de marbre et d’argile, tes créations. Au fond tu n’as jamais aimé personne d’autre que toi. Ces statues, ces « œuvres », représentent une partie de toi, représentent une partie de ton talent, de ta vie, de ton « génie », et tu te complais à les admirer, à t’admirer, toi, le Narcisse de Tahiti.\n\nEt si tu m’avais laissé vivre, si tu m’avais laissé vivre ma vie, de mon côté, sans t’y immiscer, tout aurait pu se passer pour le mieux. Je n’étais jamais venu te solliciter, je ne t’avais jamais rien demandé. Tu me faisais croire que je n’étais rien pour toi, alors, je suis parti du principe que toi non plus, tu n’étais rien pour moi, rien d’autre qu’un géniteur, une graine, un objet. Parfois, je me demande pourquoi tu ne m’as pas fait adopter, pourquoi tu ne m’as pas abandonné, sur le seuil d’une quelconque maison, et puis je me souviens, je me souviens que cela aurait pu entacher ta réputation, ton honneur, et faire parler le voisinage, le faire chuchoter, murmurer, bruire.\n\nEt tu me voyais également comme une de tes créations, comme l’une de tes statues, et jamais tu n’aurais abandonné, vendu, donné l’une d’entre elles, aussi vile et décevante fût-elle. Tu as toujours préféré les casser, les détruire, les remodeler, les faire disparaître à ta manière, à grands coups de burin, de marteau, quitte à jeter les débris à la mer. Et j’étais la plus vile et la plus décevante de tes créations, la moins réussie de toutes, et pourtant la plus vivante. Imparfaite, impure, inachevée, il t’était pourtant impossible de me remodeler parfaitement, de me transformer totalement, alors tu as préféré me détruire. Tu as attendu d’être sûr de ne plus rien pouvoir faire, tu as attendu que je grandisse, que je subisse tes coups de burin quotidiens, que je me fasse pénétrer par ta puissance créatrice, que je sois remodelée par tes mots, tes colères, que mon intérieur se détruise, se conquière, que tu me vilipendes, me honnisses, m’insultes, me bafoues, que je ne sois plus rien, rien d’autre qu’un amas de chair à l’esprit détruit, que je ne sois plus qu’un objet, ton objet, que je t’appartienne, sans volonté, que je sois à toi.\n\nAprès m’avoir détruite, après m’avoir anéantie, tu as remarqué que reconstruire un esprit était bien plus difficile que reconstruire de la matière. Alors tu as traînée, entrainée celle que tu traitais de trainée, et tu m’as jetée comme un vulgaire déchet, tu m’as poussée du haut de la falaise, sans que je ne puisse rien faire, trop occupée à végéter, à panser mes blessures intérieures, à tenter de me reconstruire, et tu m’as jetée. Pendant un instant, j’ai pensé pouvoir voler, j’ai étendu les bras pour en faire mes ailes, et j’ai crié, crié, stridente, comme une harpie, j’ai stridulé, j’ai succombé à la peur, à la folie, je t’ai maudis une dernière fois, j’ai rencontré l’immensité des vagues et de l’océan, je me suis fracassé et j’ai disparu.\n\n[[Mon père m'a tuée.|Epitaphes]]\n\nLa mort est morte, vive la mort !\n
[[Mes peluches, elles sont gentilles.|Peluches]]\n\n[[Mes poupées, elles sont vilaines.|Poupées]]\n\nJ'ai également un trésor, un trésor muet qui ne me dit rien mais qui m'est extrêmement cher. Une feuille morte, une feuille de chêne qui m'était sûrement parvenue, collée à sa chaussure. Je m'amuse souvent à caresser ma peau du rêche de cette feuille, pour m'imprégner de cette nature environnante auquelle je n'aurais jamais accès.
Seul le passé sous silence m'intéresse, ce qui a été dit mais qui n'a pas été retenu, retenu comme non-mémorable ou d'une importance négligeable. [[L'évident|Interviewé]] m'ennuie et m'évide.\n\nJe ne suis personne, nulle part, jamais. Je n'appartiens à rien, à aucun lieu, à aucune communauté. Ou plutôt, je ne me sens pas y appartenir, je n'en ai pas l'impression, je me sens toujours à côté, en dehors, en deçà, au delà.\n\nMon avis n'est pas l'avis des autres ; ma vie n'est pas la vie des autres. Il y a un fossé, une rupture, une crevasse, une frontière, une gêne. Je ne suis pas d'accord et ils ne sont pas d'accord.\n\nC'est pour cela que je me bats pour l'égalité, pour la fin des divisions, les fin des cases, des étiquettes. Mais c'est utopique, idéaliste, je le sens, je le sais. Les gens en ont besoin, de décrire, de se décrire, de classifier le monde et de s'y intégrer, ils veulent ce sentiment d'appartenance, d'être au bon endroit au bon moment, d'avoir leur place.\n\nJe suis un être humain. Je ne suis ni un homme, ni une femme ; ni transgenre, ni cisgenre ; ni homosexuel, ni bisexuel, ni hétérosexuel, ni pansexuel ; ni agenre, ni genderfluid ; et j'en passe. Je suis juste moi. Je ne veux pas m'assigner un rôle, une étiquette, je ne veux pas que les autres m'assimile à une certaine communauté, parce que je ne leur ressemble pas.\n\nLaissez-moi tranquille, laissez-moi vivre, laissez-moi être moi. \n\nJe suis Charlotte, je suis un père, je suis un homme qui en aime un autre, je suis moi, je suis vous, je suis toi, je suis elle, je suis lui, je suis une mère, je suis Jordan, je suis une femme qui en aime un autre, je suis Kyoko, je suis moi, je suis moi, je suis moi, et je ne suis rien d'autre.\n\n[[Et c'est tout.|Start]]
Mais je me trompais. Il a choisi un tout autre chemin, celui du guerrier. Alors je me suis transformé [[en loup, en prédateur|Valse Meurtrière]], [[en cerf, en gibier|Valse Morbide]], je me suis mis à courir, à courir pour ma vie et mon esprit s’est vidé, évidé, vide, vide.
Un grand bruit sourd, les oiseaux, ces corbeaux qui me suivent et m’observent, s’envolent dans de grands battements d’ailes, et une nappe chaude et sirupeuse caresse mon bas-ventre. Je trébuche, je m’écorche, je me relève, je dévale, je m’accroche, je gémis, je regarde derrière, je le vois, je le crains, je griffe le sol, j’attrape la terre, je la lui jette, je marche à quatre pattes, je cours à nouveau, je souffre, je me touche le ventre, je remarque, je vois rouge, j’apprends, je me rends compte, je faiblis, j’entends, je vrille, je heurte, je rampe, je perds la tête, je n’intellige plus, j’absurde, j’obscène, j’obscure, (et) [[je crève|Je crève]].
[[Les pères me fascinent bien plus que la musique et je ne travaille pas mes notes.|Intervieweur]]\n\nFlûte, flûte, flûte, flûte de flûte et re-re-flûte.\n\nÇa ne va pas. Du. Tout. [[Mes oreilles saignent|Sanguin]]. Mon cerveau fond. Mes doigts s’enfoncent dans les accoudoirs rouges du strapontin. Mon sens musical se hérisse. Mes mâchoires sont serrées. Tout mon être convulse, veut fuir, s’enfuir. J’essaie en vain de me souvenir des cours de relaxation que Susanne m’a forcé à suivre, j’essaie de respirer, d’inspirer, d’expirer, à fond, et de m’imaginer sur une île déserte, dans une forêt luxuriante, en train de voguer dans l’immensité de l’océan, ou que sais-je encore, mais rien n’y fait. J’ai beau fermer les yeux, le son me ramène toujours à la réalité.\n\nCe son horrible. Cette cacophonie, cette dysharmonie, ce ramdam, ce brouhaha, cette torture. C’est un son capable de faire hurler les chiens à la lune, cracher les chats, fuir tous les oiseaux et paniquer la plupart des animaux terrestres, célestes et marins. Cette musique qui n’a rien de musical a un pouvoir presque démoniaque, luciférien. C’est un cauchemar.\n\nMa fille joue de tout son soûl, de toutes ses forces. Je pense qu’elle se rend compte de l’horreur qu’elle et les autres « musiciens » sont en train de créer, je pense qu’elle n’est pas dupe, du moins je l’espère. Je n’ose pas imaginer qu’elle n’ait pas hérité de mon gène musical, je n’ose pas imaginer que ce qu’elle joue lui plait vraiment. Elle doit elle aussi souffrir, souffrir de ne pas pouvoir jouer de la véritable musique, souffrir de devoir subir la bêtise de son professeur. Plus j’y pense, et plus je me sens mal. Par dignité, j’en viens à espérer que ma fille souffre. Comment un père peut-il vouloir la souffrance de sa fille ? Comment un père peut-il espérer que sa fille ait honte de ce qu’elle fait ? Un enfant devrait toujours être fier de soi et ne devrait jamais avoir honte ni se sentir plus bas que terre.\n\nMais je vois bien que ma fille n’est pas contente de ce qu’elle fait. Peu à peu, sons suraigus, crissements et dysharmonies s’estompent puis s’arrêtent. Au vacarme suit le silence. Pas un parent ne bouge, encore trop sonné par la violence sonore du spectacle auquel ils ont assisté. L’air est lourd, comme si les particules musicales étaient restées en suspens, figées. Et ce silence m’est presque aussi douloureux que la cacophonie qui vient juste de s’arrêter. Je vois le regard plein d’espoir des enfants avides de reconnaissance. Je les vois, je les vois, je les vois ! Tout ce qu’ils souhaitent, c’est rendre leurs parents heureux. Et tout ce que je souhaite, [[c’est rendre ma fille heureuse|Premier]].\n\nSans prévenir, sans réfléchir, je me lève, je regarde ma fille droit dans les yeux et j’applaudis de toutes mes forces. \n\nJe suis [[un père|Je]], et au moment précis où le visage de ma fille s’illumine, je suis le plus heureux des pères.
Pendant toutes ces années, je n’ai fait que vivre dans le mensonge ; certains diront que dans toute cette histoire, je fais parti de ceux qui ont eu le plus de chance, certains diront que je n’ai pas à me plaindre ; d’autres m’assureront que je suis, moi aussi, une victime et que je n’ai rien à me reprocher.\n\nMais je sais que ce n’est pas vrai. J’ai tout à me reprocher. Tout. Je n’ai rien vu. Je n’ai rien fait. J’ai vécu, heureuse, pendant tout ce temps, dans mon monde, tandis que sous mes pieds, l’enfer (et l’horreur) avait ses quartiers. J’ai vécu, heureuse, pendant tout ce temps, dans mon monde, tandis que sous mes pieds, lentement, ma famille souffrait, étouffait, mourrait.\n\nJ’aurais dû voir dans mes terreurs nocturnes un sombre présage, une prémonition, une vision. Ces images de noirceur, ces visages de douleur, cette odeur de bûcher, et cette voix, cette voix. J’ai toujours cru que mon esprit créait ces scènes de toutes pièces, se nourrissant de la peur que j’avais de lui, de sa voix autoritaire, de son regard bleu acier.\n\nJ’aurais dû sentir, ressentir, pressentir que ce vide en moi, cette impression de manque permanent, ce sentiment d’incomplétude n’était pas le fruit de mon imagination, n’était pas un moyen de faire mon intéressante, comme il le disait sans cesse. J’aurais voulu en parler à ma sœur, à ma grand-mère, mais elles le lui auraient répété : on ne pouvait rien lui cacher. Et c’est précisément pour cela qu’il me terrifiait. \n\nJe suis lâche, je suis détestable. Toute ma vie n’est qu’un mensonge, un paradoxe. Mon grand-père est aussi mon père, ma mère est ma demi-sœur. Lorsque la vérité a éclaté, je me suis haïe aussitôt : pourquoi avais-je mérité de vivre au dehors, au dessus, et pas les autres ? Pourquoi ai-je survécu et pas mon frère, mon jumeau, mon alter ego ?\n\nJe mérite de mourir car j'ai eu une vie. Je suis une abomination, [[le fruit de l’inceste|Peluches et Poupées]], de l’enfer. Née dans l’horreur, née dans la mort, née dans la douleur, née dans la déchirure.\n\nIl est temps pour moi d’être punie. Il est temps pour moi que l’on me retire ce privilège, cette vie que je n’ai pas méritée. Il est temps de rejoindre mon autre moi, de connaître sa fin et d’atteindre [[la plénitude|Pourrir]]. Je m’en veux d’avoir eu droit à une vie ; ce fut une erreur.\nEt je vais la réparer.\n\nJe m’appelle [[Charlotte|Je]] et ce soir, je brûle, je fonds, je crépite ; je retrouve ce frère que je n’ai jamais connu et que pourtant j’ai toujours aimé, et je rejoins enfin l’enfer.
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[[Ci-gît Raoul Adolphe Giot|Infanticide]] \n19 avril 1896 – 26 novembre 1952\nJamais dans nos cœurs\n\n[[Ci-gît|Vois la Vie]] [[Charlotte Louise Giot|Je]]\n7 octobre 1930 – 26 novembre 1952\nA jamais dans nos cœurs
[[Un passé de légende|Lui]]\n\n[[Un présent sans légende|Elle]]
Emma aux bas de soie me dit des méchancetés, des gros mots, [[les insultent et se moquent d'eux.|Peluches]]\nLilly blanche comme le lys me dit que je ne suis plus pure, que j’ai changé, que j’ai grandi.\nSuzon aux joues rose bonbon me dit que j’aurais dû rester plate, ne pas pousser, ne pas pousser, alors je l’ai brûlée.\nMarina tcha-tcha me dit que je l’ai bien cherché, qu’avec mes formes, je suis une tentatrice et que je ne peux lui en vouloir d’avoir succombé à mes délices.\nLéanor aux boucles d’or me dit que je dois me taire, que le silence est d’or et que personne n’a besoin de savoir que je suis une catin.\nClémentine la mutine me dit qu’être violé, c’est être aimé et me le répète, me le répète alors je lui ai coupé la tête.\nAlice pleine de malice me dit que je ne peux me plaindre puisque j’y prends plaisir alors je la viole, je la bats, je l’étrangle, je la mords et je lui fais ce qu’il me fait.\n\n[[Mais...|La mienne]]
Charlotte
Dans mes yeux, une dernière image, [[un chemin.|Corbeaux]]\nDans mes narines, une dernière odeur, [[de l’humus.|Pourrir]]\nDans ma peau, une dernière sensation, [[le rêche des feuilles.|Peluches et Poupées]]\nDans ma bouche, un dernier goût, [[du sang.|Sanguin]]\nDans mes oreilles, un dernier son, [[le silence.|Flûte]]
Le jour de la ''Création'', Dieu fut à la ''source'' de toute chose. Ce fut le temps de la ''mise à jour'' du monde tel que nous le connaissons. Mais il semblerait bien que tout ait commencé à aller à vau-l'eau, que, corrompus par le vice, par le pêché, les hommes aient commencé à trahir paroles divines, ''livres sacrés'' et ''religions''. \n\nJ'ai été créée pour pallier ces problèmes. A l'<html><b>origine</b></html>, j'étais une nonne parmi tant d'autres. Affectée aux tâches d'écriture, de réécriture, de ''publication'', d'<html><b>édition</b></html>, de gestion de ''collection'' de diverses ''biographies'', ''autobiographies'', ''biographies religieuses'', ''généalogies'', ''mémoires'' et autres ''histoires de vie'' et ''récits personnels'' du haut ''Moyen-Âge'', rien ne me destinait à un sort différent de celui des autres. Ma vie fastidieuse constituait à vénérer le Seigneur pour sa lumière et sa bienveillance, à prier, à aider mon prochain, et à collecter et conserver le savoir. Il m'arrivait parfois d'assister à un enterrement, de devenir ''auteur'' et d'aider à la rédaction de quelque ''nécrologie'' ou ''[[épitaphe|Epitaphes]]'', mais je me souviens bien plus des Notre-Père, Te Deum et autres Ave Maria qui rythmaient inlassablement mes jours.\n\nMais l'<html><b>Histoire</b></html> me réservait un tout autre destin. Ce n'est qu'après un sombre évènement que je me rendis compte de ma mission vengeresse. Mon frère, l'amour de ma vie, le seul que j'avais, fut vilement ''assassiné'', déclaré hérétique et mené au [[bûcher|Animadversion]], sans avoir la moindre chance de se repentir, de demander pardon ou d'être absous.\n\nJe suis alors devenue une ''sentinelle'' et j'ai juré de me venger, d'assassiner tout ceux qui, sous prétexte d'être dans les plus hautes sphères de l'Eglise, se permettent de modeler la parole de Dieu à leur convenance. Cachée par ma soutane, je me faufile, je me dissimule dans les foules et empoisonne, poignarde, étrangle. Tous craignent ma présence et fantasment mon identité.\n\nJe m'appelle [[Charlotte|Je]] et je suis la main qui frappe dans les ténèbres.\n
J’ai peur.\nCe matin, j’ai été réveillée par plusieurs coups de sonnette. Je suis restée là, à faire la morte sur mon matelas, sans savoir quoi faire. Je ne voulais pas ouvrir, je ne voulais pas que quelqu’un, qui que cela puisse être, voie les conditions dans lesquelles je vis. J’ai honte. Je veux continuer à paraître normale aux yeux des autres, je ne veux pas de leur pitié.\n[…]\nOn sonne encore. Je crois que c’est M. Rollet. Qu’est-ce que je vais faire, qu’est-ce que je vais dire ?\n[…]\nLa sentence est tombée : je dois partir avant ce soir. Je m’y attendais. Mais au fond, j’avais l’espoir qu’il m’oublie, qu’il me laisse encore plus de temps. J’ai eu beau lui dire que j’avais trouvé un travail, que j’aidais une vieille dame dans son quotidien, que j’étais rémunérée, il n’a rien voulu savoir. Il a besoin de cet argent et je ne peux pas lui donner. Il veut bien continuer à me louer la place de parking. A 100€ par mois, je devrais pouvoir. Je lui ai fait promettre de ne rien dire à personne dans le quartier. Je ne veux pas qu’on me regarde différemment. Garder la tête haute.\n[…]\nTenir bon.\n[…]\nGarder espoir, ça va aller.\nJ’ai pris une douche et un couteau. On ne sait jamais. Finalement, c’est pas si horrible là-dedans. Je suis bien contente que Boris ait insisté pour acheter un Espace, et pas une Mini comme je le voulais. C’est sûr que ça aurait été compliqué sinon. J’ai même réussi à faire rentrer le matelas dans le coffre. Ça me fait vraiment bizarre de voir que toute ma vie tient dans une voiture. \nLucie me manque cruellement. C’est comme si j’avais un trou au cœur.\nMais étonnamment, j’ai espoir.\n\nJe m’appelle [[Charlotte|Je]], <html><strike>et comme chaque soir</strike></html>, ce soir, tout est différent.\n\nDimanche 23 mai 2011.
[[*Je t’aperçois au loin et je cours.|Corbeaux]] \n\n[[*Je t’aperçois au loin et je cours.|Déserteur]]\n\n[[*Je t’aperçois au loin et je cours.|Sanguin]]\n\n[[*Je t’aperçois au loin et je cours.|Souvenir]]\n\n[[*Je ne te vois plus, je ne cours plus, mais tu es là.|Pourrir]]
J’ai froid.\nPour faire passer le temps, je plie des petits papiers. Et puis, ça m’occupe. Sans ça, qui sait ce que je ferais. M’arracher les cheveux ? Me ronger les ongles ? Errer comme une âme en peine dans le vide, dans le noir, dans ce chez moi qui n’a plus rien à voir avec moi ?\nDes ombres folles dansent et animent les murs blancs et nus. Tout a disparu. Il ne me reste rien. Rien d’autre qu’un tas de vêtements et de souvenirs, des bougies et ces feuilles blanches. Cet espace vierge sur lequel je peux extérioriser ma souffrance, ma colère, mon désespoir. C’est dur. Ecrire me confronte à ma réalité, la rend plus réelle. Mais je préfère ça à rester allongée à même le sol, inerte, amorphe, des émotions nauséabondes pourrissant en moi.\nIl m’est difficile de continuer à écrire. Je tremble. J’ai froid. Peut-être vais-je mourir ce soir, dans le noir, abandonnée ? Parfois, je me dis que tout serait plus simple si je pouvais juste disparaître… Mais je ne peux pas. On compte sur moi. \n\nJe ne pleure plus ; j’ai déjà trop pleuré. Derrière moi, Lucy gesticule sous les couvertures, comme si [[dans ses rêves|Sentinelle]], elle pressentait déjà l’horreur que la réalité arborera à son réveil. Demain, c’est comme si j’allais mourir une première fois. Demain, le cauchemar atteint son apogée. Jusqu’à maintenant, j’avais dû résister, j’avais dû supporter les coups, les uns après les autres. L’arrestation de [[Boris]], sa condamnation, sa disparition. La mort de Maman, son enterrement, sa disparition. Mais comment supporter l’enlèvement de Lucy, son placement, sa disparition ? Alors que c’est elle qui me force à sourire chaque jour, à ne pas abandonner, à ne pas laisser tomber ?\n\nDemain, on va m’enlever ma fille. On va me priver d’un bout de mon être, de mon tout petit bout de fille. Le pire dans tout ça, ce fut de voir l’incompréhension dans son regard. Je me suis forcée à lui répondre, c’est pour ton bien, ça ne durera pas longtemps. Mais je n’y crois pas vraiment.\n\nLa flamme vacille ; la lumière, elle aussi, m’abandonne.\n\nJe m’appelle [[Charlotte|Je]], et comme chaque soir, je sombre dans les ténèbres. \n\nDimanche 16 mai 2011\n\n[[X|Deuxième]]
Quand le soleil s’est levé, j’ai entendu le silence et j’ai cru que c’était fini, que c’était la fin. Une partie de moi exultait, je suis libre, enfin, après tout ce temps, je suis libre, c’est fini, tout va bien, je suis libre, tandis qu’une autre se désespérait, [[je suis perdu|Guerrier]], on va me tuer, m’abattre comme une bête, c’est fini, là, dans les bois et laisser mon corps pourrir dans la terre molle et froide, je suis perdu.
Un grand bruit sourd, les oiseaux, ces corbeaux qui me suivent et m’observent, s’envolent dans de grands battements d’ailes, et une nappe chaude et sirupeuse caresse mon bas-ventre. Je trébuche, je m’écorche, je me relève, je dévale, je m’accroche, je gémis, je regarde derrière, je le vois, je le crains, je griffe le sol, j’attrape la terre, je la lui jette, je marche à quatre pattes, je cours à nouveau, je souffre, je me touche le ventre, je remarque, je vois rouge, j’apprends, je me rends compte, je faiblis, j’entends, je vrille, je heurte, je rampe, je perds la tête, je n’intellige plus, j’absurde, j’obscène, j’obscure, je nauséabonde, ''je tranche, je tue'', et [[je crève|Je crève]].
C’était sans compter la solidarité de la matière. Certains appellent cela le destin, d’autres le karma, moi, je pensais tout simplement que toute chose avait une âme, que minéraux, végétaux, objets manufacturés avaient une mémoire et qu’ils se souvenaient, physiquement, qu’ils racontaient, qu’ils se vengeaient. De retour à l’atelier, toi, père infanticide, Chronos des temps modernes, tu es mort à ton tour. Tu t’es peut-être retrouvé seul, perdu, aigri et agressé par les remords, tu as peut-être commencé à revoir mon visage, partout, tout le temps, dans cette statue, dans cette sculpture, dans cet amas d’argile, je t’ai hanté, je t’ai suivi, je t’ai essoufflé, et tu as fini par disparaître à ton tour. Tes créations, les dignes représentants de ta descendance artistique ont peut-être été possédées par la colère, par la vengeance, par le goût du sang, et peut-être se sont-elles abattues sur toi, peut-être t’ont-elles écrasé, broyé, détruit.\n\nMon corps s’est échoué plus tard sur une plage, et il me fut érigé une sépulture de pierre et de marbre ornée de tes créations, de mes paires, entourant leur feue sœur. \n\nCe qui t’es arrivé à toi, je ne veux pas le savoir. Si j’avais eu le choix, je t’aurais donné à manger aux animaux, et j’aurais fait en sorte que personne, jamais, nulle part ne puisse se souvenir de toi.\n\n[[J’ai tué mon père.|Epitaphes]]\n\nLe roi est mort, vive le roi !\n
Dans les ruines, les racines me font trébucher, les pierres me font m’écorcher. Aveuglé par la douleur et par la fièvre, je tâtonne, je me cramponne, je frissonne. Je ne comprends pas, je ne comprends plus, je ne sais plus où je suis ni qui je suis. La seule chose qui m’obsède c’est toi. Je désespère de te revoir. Comment suis-je censé te retrouver dans ce chaos, dans la masse informe du monde, à travers monts et forêts ? Comment puis-je tenir ma promesse alors que je ne sais plus, que je ne vois plus, que je n’entends plus ? Je ne veux pas mais je ne peux plus.\n\nÀ bout de force, je m’assois par terre et m’adosse au piédestal d’une sculpture. Du haut de sa monture de pierre, un cavalier me toise et me juge. Spectateur du désastre ambiant et seule figure encore debout parmi les murs éventrés et les colonnes abattues, il ne cille pas. Soudain, quelque chose attire mon regard, comme une nappe de couleur dans le brouillard. Une tâche pourpre dans le marron et le vert des bois. Et là, c’est le déclic. En moi, tout se met à flamber, tout se met à jaillir, tout se met à exploser. Ce pourpre, c’est celui de mon mouchoir. C’est celui du mouchoir que je t’ai donné, que je t’ai offert avant que tu ne disparaisses, pour que tu penses à moi quoi qu’il arrive.\n\nJe me traîne jusqu’à toi aussi vite que je le peux, jusqu’à ton corps avachi, affalé, affaissé, sans vie. Tu serres dans ton poing mon mouchoir pourpre, le symbole de notre amour, comme pour te persuader que je suis là, pour toi, auprès de toi. J’arrive trop tard, mais je suis là maintenant. Je te serre contre moi, je serre ton corps froid tout contre moi et pleure, pleure, pleure. Tu es parti, tu n’es plus, et je n’étais pas là. Jamais plus je ne te verrai comme tu l’étais, plein de vie, plein de joie, plein d’amour. Je caresse tes orbites enfoncées, j’embrasse tes lèvres parcheminées et je me maudis.\n\nJe me sens coupable. Je suis coupable, coupable du pire des crimes : l’abandon. Je t’ai abandonné, je n’ai pas tenu ma promesse, tu es mort seul, dans la peur, dans le doute, seul, alors que je t’avais promis, je t’avais promis que nous serions toujours ensemble, que plus jamais tu ne serais seul. Mu par une nouvelle force, je me mets à creuser, à griffer la terre meuble. Mon épaule me lance, mais je l’ignore. Pendant un long moment, seul le léger bruit de ma folle entreprise brise le silence. Ce n’est qu’au crépuscule que le trou devient finalement assez grand pour nous deux. Je m’allonge dedans et amène ton corps vers moi, sur moi, tout près de moi. Je nous recouvre ensuite de la terre meuble que j’avais retournée, essayant de faire au mieux pour nous recouvrir entièrement.\n\nJ’enlace ton corps sans vie et froid, je l’étreins pour que nous ne fassions plus qu’un, je caresse tes cheveux, je touche ton odeur, je goûte à ta peau et je pleure. Mon amour n’est plus, notre amour n’est plus et bientôt ton amour ne sera plus. A défaut d’avoir pu mourir ensemble, nous allons pourrir ensemble, [[et nos corps en décomposition ne feront plus qu’un.|Vois ma vie]]\n\n[[Je suis un homme qui a aimé un autre homme|Je]] et la guerre, impartiale, nous a déchirés.
Seul m’obsède son murmure : « Sois un défi. »\nUn jeu. Je ne suis qu’un jeu, un « je » dont l’existence n’est rien. Face à son « je », je ne vaux rien. Pour son bon plaisir, je dois courir à travers les bois, éviter les ronces qui lacèrent ma nudité, et [[durer|Meurtre]].
Mais je me trompais. Il a choisi un tout autre chemin : celui du chasseur. Alors, je me suis transformée [[en biche, en proie|Valse Morbide]], [[en louve, en animal sauvage|Valse Meurtrière]], et je me suis mis(e) à courir, à courir pour ma vie, et mon esprit s’est vidé, évidé, vide, vide.
by Jordan
J’ai faim.\nJe viens d’avoir Boris au téléphone. Dans la cabine téléphonique, tout le monde me regardait comme si j’étais folle. J’avais envie de les frapper. J’aimerais bien les y voir. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne savent pas, ils ne savent pas. \nJ’aimerais bien être folle, au moins j’aurais un toit, je me ferais internée, je serais au chaud et j’aurais à manger. Mais je refuse de perdre le peu de lucydité qu’il me reste. J’ai failli tout oublier, m’oublier, oublier cette vie et me laisser dériver vers la suivante. Quand ils m’ont arraché [[ma fille|Flûte]], j’ai voulu baisser les bras, me laisser mourir de faim dans un coin.\nParler à Boris m’a fait du bien. Bien sûr, pour lui, tout est plus facile. Lui, il a un lit, il est au chaud. Il peut se laver, il peut manger, il peut ne pas penser au lendemain. C’est lui qui a merdé. C’est lui qui nous a tous entraînés dans sa chute. Et pourtant, je suis tombée bien plus bas que lui. C’est injuste.\nMais au moins, il m’a donné envie de me battre. De lutter pour récupérer ce que j’avais. Pour récupérer ma fille, récupérer ma vie, récupérer ma dignité. Je ne ferai plus les mêmes erreurs, je ne laisserai plus ma vie dépendre entièrement de quelqu’un d’autre.\n\nDerrière moi, plus personne ne dort sur le matelas. Je suis toute seule, mais ça ne durera pas. Enfin, je crois. \n\nJe m’appelle [[Charlotte|Je]], et comme chaque soir, je me demande si ce sera mon dernier soir.\n\nMercredi 19 mai 2011\n\n[[X|Troisième]]
Seul m’obsède son cri : « Sois un homme. » \nUn ennemi, je ne suis qu’un ennemi, un ennemi dont l’existence n’est rien. Face à sa vie, la mienne ne vaut rien. Pour ma mère patrie, je dois courir à travers les bois, éviter les balles qui lacèrent ma chair, et [[durer|Guerre]].