Je prends le métro du lundi au vendredi. C’est une aventure, du lundi au vendredi.
Un jour, j’ai renversé mon café sur une pauvre femme quand le métro s’est arrêté à Édouard-Montpetit. Désolé, madame, je suis déjà en retard à mon cours.
Un jour, j’ai vu un gars dormir d’Honoré-Beaugrand jusqu’à Monk. Il s’est réveillé en sursaut et en sacrant.
Un jour, j’ai entendu la musique d’une fille qui pensait que ses écouteurs étaient branchés, mais qui ne l’étaient pas. Elle aimait beaucoup le dernier album de Miley, je pense.
Je prends le métro du lundi au vendredi.
Je combats des [[monstres->des monstres]], du lundi au vendredi.
Je suis un [[explorateur->explorateur]], du lundi au vendredi.
Ils parsèment le métro, des monstres horribles qui se regardent dans la vitre, des mimiques ridicules déformant leur visage.
Une créature qui n’a pas enlevé son sac à dos, une calamité qui est entrée sans attendre que tout le monde ne soit sorti du wagon.
Des monstres, je vous dis.
Je ne peux pas les combattre. Mais je peux les [[ignorer, et aimer->amoureux]].
Ou les [[rejoindre, avant d'arriver au travail->rejoindre]].
Je tombe toujours amoureux des hommes qui lisent dans le métro.
Trop souvent, les hommes que je rencontre sont conscients de leur charme ou de leur environnement. Il y a quelque chose de forcé dans leur façon d’être. Il est difficile de voir vraiment ce dont un homme a l’air sans le connaître dans l’intimité.
Sauf quand il lit.
Quand un homme lit, il resplendit. Concentré, il vit des moments de passion, de tristesse, de peur. Pendant un instant, il oublie qu’il est entouré d’inconnus, qu’il fait trop chaud ou qu’il n’y a pas de place.
Il se livre, s’ouvre. Comme un livre ouvert.
Il lis [[Émile Ajar->Emile Ajar]], [[Kafka->Kafka]], ou [[Agotha Kristoff->Kristoff]]
Je regarde mon iPhone; je passe le temps en jouant. Le temps passe vite, très vite. En fait, je suis si absorbé que je manque mon arrêt. Je me retrouve une station trop loin. Je dois sortir pour revenir de [[l'autre sens->autre sens]]. On ne m'y reprendra plus...
Quand un gars plongé dans un Émile Ajar devant ses yeux, je ne peux pas passer trop de temps à le fixer, quoique j’aimerais avoir toute la vie devant moi pour l’observer.
<a href='http://postimg.org/image/pe4gtgx59/' target='_blank'><img src='http://s22.postimg.org/pe4gtgx59/hotdudereading1.jpg' border='0' alt="hotdudereading1" /></a>
Mais je ne fais [[rien->rien]].
Quand un autre découvre comment Kafka est devenu un insecte velu, je me surprends à m’imaginer moi aussi faire la grasse matinée avec lui… la métamorphose en moins.
<a href='http://postimg.org/image/5w464ld6z/' target='_blank'><img src='http://s9.postimg.org/5w464ld6z/hotdudereading2.jpg' border='0' alt="hotdudereading2" /></a>
Mais je ne fais [[rien->rien]].
Si je remarque un lecteur absorbé par le Grand Cahier, je tente de rester stoïque et de ne rien ressentir. Le gars tourne les pages. Il regarde son livre. Je le fixe.
<a href='http://postimg.org/image/kr1hqvsfb/' target='_blank'><img src='http://s23.postimg.org/kr1hqvsfb/hotdudereading3.jpg' border='0' alt="hotdudereading3" /></a>
Mais je ne fais [[rien->rien]].
C’est un drôle de paradoxe car, si j’allais leur parler, ils perdraient de leur superbe. Leur regard quitterait le roman et leurs yeux seraient maintenant dans les miens. J’ai trop peur d’être déçu.
Alors je me tiens à l’écart et je les aime de loin.
Encore jamais, l’un n’a levé les yeux pour me regarder.
Par contre, le jour venu, je compte bien le laisser m’aimer, à son tour.
Peut-être [[demain->Debut]]?
Je prends le métro du lundi au vendredi. Je tombe amoureux du lundi au vendredi.
Parfois, sur la grande [[verte->verte]]. Souvent, sur la chaude [[orange->orange]]. Indubitablement, j’ai aussi eu un coup de foudre sur la modeste [[bleue->bleue]].
Il m'arrive de [[marcher->marcher]] et de prendre le [[bus->bus]] aussi.
Parti de Papineau, je suis sous le charme. Je le fixe, il ne me remarque pas, je pense...
Avec un peu de chance, il se rendra au moins à McGill.
Mon coeur [[bat->amoureux]], fort.
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Long trajet. Place St-Henri, de Jean-Talon.
Les voitures Azur sont belles; c'est mon premier trajet. Mais mon regard fixe soudainement quelque chose de plus [[beau->amoureux]] que les nouvelles additions aux wagons...
C'est toujours relax, sur la ligne bleue. Moins de monde, moins de stress.
Et pas moins de [[briseurs de coeur->amoureux]].
Mes écouteurs sur les oreilles, je passe le temps à avancer. il fait beau; je prendrai une heure de plus pour me rendre, mais j'aurai l'impression que cela ne m'a pris que quelques minutes.
Peut-être devrais-je refaire çà [[demain->Debut]]
Je peux descendre avec la [[80->80]], ou encore avec la [[161->161]]
L'autobus est bondé, je me perds parmi tous ces gens.
Il fait chaud, je suis forcé de rester debout.
Impossible de tenir un journal, ou même de regarder mon téléphone.
C'est là que je le vois, lui.
<a href='http://postimg.org/image/85441d7i1/' target='_blank'><img src='http://s4.postimg.org/85441d7i1/a5c59ca62af55e9d151a565b82b1204a924cefd9.jpg' border='0' alt="a5c59ca62af55e9d151a565b82b1204a924cefd9" /></a>
Je n'arrive pas à déchiffrer son livre. Un truc que je ne connais pas. C'est en anglais; [[non-fiction->non-fiction]]?
Le trajet est court.
Je n'ai pas le temps de rien voir.
Me voilà arrivé.
À refaire [[demain->Debut]]?
Cette fois-ci, n'ayant qu'une station à faire, je ne sors même pas mon téléphone. J'ai même enlevé mes écouteurs. La honte; heureusement que j'ai un peu d'avance.
En attendant le prochain métro, je vois un jeune homme plus loin, qui lit un Harry Potter en anglais. C'est une des belles versions, qui coûte plus cher un peu. Je suis pas snob, mais je sais apprécier...
Il entre dans le wagon et je décide de [[suivre->suivre]].
J'ai à peine une minute devant moi, avant de débarquer.
<a href='http://postimg.org/image/owfx7ssxb/' target='_blank'><img src='http://s3.postimg.org/owfx7ssxb/photo_e1423580144856.jpg' border='0' alt="photo e1423580144856" /></a>
Je me demande si je devrais attirer son attention.
J'ai mon carnet de notes dans la poche d'en avant de mon sac. Il serait facile d'en déchirer une page et d'y écrire mon numéro.[[Le glisser->glisser]]dans son livre en sortant.
Peut-être qu'il me trouverait trop intense... Vaudrait mieux ne [[rien faire->rien faire]].
J'essaie de m'approcher mais il semble se placer pour descendre. Il ferme le livre, attrappe la poigné de porte. Il me reste encore deux arrêts. Son regard croise le mien.
Je peux [[marcher->marchercequireste]] les arrêts qui restent, non?
En fait, ai-je le temps de me rendre à la sortie? Peut-être ferais-je mieux d'[[attendre->attendre]]
Je descends derrière lui et marche à quelques pas. Sur le chemin qui reste, il y a un Second Cup, dans lequel j'arrête souvent me prendre un café. J'ai de l'avance, je pourrais y arrêter, surtout qu'il semble s'y diriger...
Alors qu'il ouvre la porte, je me dis que non seulement je vais entrer.
Mais je vais aussi lui parler. C'est plus facile, quand il n'y a pas de limite de temps.
''Espresso, simple, s'il vous plaît''
Je le regarde nonchalemment, prétendant être perdu dans mes pensées. Son regard croise le mien et il me sourit.
''Je vais prendre la même chose que monsieur...''
Constatant mon silence, il glisse son nom, amusé(Antoine).
''Oui, même chose qu'Antoine''
Je poursuis, en me retournant vers lui, lui retournant son sourire et en gardant un ton nonchalant.
''C'est toujours plus facile pour démarrer, surtout avec la job tôt le matin. Je suppose que toi aussi. Toi, tu travailles ou tu étudies?''
Deux arrêts plus loin, me voilà au travail.
J'ai chaud, la journée va être longue.
Espérons que ce sera mieux [[demain->Debut]].
En 30 secondes, je griffonne un message sur un bout de papier.
''T'es beau.''
J'écris mon numéro à côté.
Rien à perdre; dans le meilleur des cas, il sera flatté et essaira peut-êter de me contacter. S'il joue pour mon ''team''.
Dans le pire, il le chiffonne et je ne le revois plus jamais.
Je le glisse sur la couverture de son livre. Il lève les yeux une fraction de seconde. Le bout de papier reste en place. Je fais un sourire rapide et je sors du wagon.
Mon coeur bat plutôt fort, pour quelque chose d'aussi anodin.
Je garderai mon téléphone près de moi aujourd'hui.
Je passe devant lui. Il ne lève pas le nez de son livre. Je suis à destination.
J'oublie son visage quelques minutes plus tard.
J'en verrai sûrement d'autres [[demain->Debut]]